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Cumul de baux dérogatoires : attention danger

Le 18 juin 2021

Cumul de baux dérogatoires : attention danger
DE CDMF / JEAN-LUC MÉDINA
(arrêt de la Cour de Cassation du 22 octobre 2020, 3ème chambre civile, n° 19-20.443)

La loi Pinel du 18 juin 2014 a porté la durée totale du bail ou des baux successifs dérogatoires à la durée maximale de 36 mois, soit 3 ans.

Avant la réforme de la loi du 18 juin 2014, la dernière modification issue de la loi du 4 août 2008 prévoyait que la durée totale du bail ou des baux successifs dérogatoires ne devait pas être supérieure à 2 ans.

Si à l’expiration de cette durée, le preneur restait ou était laissé en possession, il s’opérait un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.

La loi du 18 juin 2014 a rajouté au texte la phrase suivante :

« A l’expiration de cette durée (3 ans depuis le 18 juin 2014), les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. »

Traditionnellement, il a toujours été admis que le locataire pouvait renoncer au bénéfice du statut des baux commerciaux et conclure avec le bailleur une nouvelle convention dérogatoire.

Cependant, cette renonciation ne pouvait intervenir qu’une fois que le locataire avait acquis le droit au statut, lequel naissait du maintien en possession à l’expiration du bail dérogatoire.

La question de la faculté de renonciation est à nouveau posée par l’instauration dans le texte de l’impossibilité expresse pour les parties de conclure un nouveau bail dérogatoire à l’expiration de la durée totale de 36 mois.

On aurait pu imaginer qu’à l’expiration de la durée de 36 mois, les parties sont empêchées de conclure un nouveau bail dérogatoire, sauf renonciation du locataire qui a acquis le droit au statut.

Sous le régime antérieur à la loi du 18 juin 2014, la possibilité de renoncer à se prévaloir du statut des baux commerciaux devait être non équivoque.

Nous attendions un arrêt de la Cour de Cassation.

La Cour de Cassation a tranché par un arrêt du 22 octobre 2020.

En l’espèce, un locataire présent dans les lieux depuis le 1er juin 2013 avait acquis à l’issue du bail dérogatoire le statut des baux commerciaux et avait renoncé à se prévaloir du droit à ce statut pour obtenir un nouveau bail dérogatoire.

A l’issue de ce second bail, le bailleur a informé son locataire de sa volonté de ne pas lui consentir un nouveau bail.

Le locataire a alors revendiqué le droit au statut des baux commerciaux et son bailleur l’a assigné en expulsion.

La Cour d’appel de Bordeaux a déclaré que le locataire était sans droit, ni titre.

La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en ce qu’elle a considéré que sous l’empire de la loi du 18 juin 2014 il était tout à fait possible de conclure un nouveau bail dérogatoire en ayant expressément renoncé au statut des baux commerciaux lié au précédent bail.

La Cour de Cassation considère que l’entrée en vigueur du nouvel article L 145-5 du Code de Commerce issu de la loi du 18 juin 2014 ne permet pas, dans toutes les hypothèses, d’avoir une durée cumulée de baux dérogatoires supérieure à 36 mois courant à compter de la date d’effet du premier bail dérogatoire.

Ce faisant, la Cour de Cassation prenant à la lettre le texte de l’article L 145-5 met fin à la pratique courante de renonciation au statut des baux commerciaux une fois ce droit acquis.

Cette décision est critiquable sur le plan pratique, mais elle résulte d’une volonté du législateur qui a introduit une disposition dans l’article L 145-5 du Code de Commerce visant à mettre fin à cette pratique.

Il convient donc d’attirer l’attention des praticiens sur cette jurisprudence nouvelle de la Cour de Cassation qui pourrait permettre à un certain nombre de locataires de bénéficier du statut des baux commerciaux, alors que leur commune intention était de s’en détacher.

Jean-Luc Médina – Avocat associé

Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter jl.medina@cdmf-avocats.com – 04.76.48.89.89