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NFT, Metavers : un nouveau défi pour la propriété intellectuelle

Le 03 novembre 2022
NFT, Metavers : un nouveau défi pour la propriété intellectuelle

NFT, métavers, blockchain sont des nouvelles technologies qui ouvrent de nouveaux univers virtuels aux entreprises comme aux particuliers  mais qui interrogent le juriste notamment en droit de la propriété intellectuelle à défaut de cadre légal bien établi, ce monde dématérialisé génère de nouvelles problématiques juridiques.

 

1.      Présentation générale

Les NFT ont déjà bien investies les jeux en ligne comme CryptoKitties qui permet d’acheter des chats virtuels en échange de la cyptomonnaie « Ether ». Les entreprises s’intéressent à cette révolution du Web3 afin de valoriser leur marque et captiver un public souvent plus jeune.

Le NFT (jeton non fongible) fonctionne  par le biais d’un « smart contrat » inscrit sur une blockchain qui créée un jeton avec un identifiant unique. Le « smart contrat » est  un code informatique qui permet de programmer la création du NFT qui peut formaliser une création originale ou reproduire une marque.

Contrairement aux images numériques, les NFT contiennent des métadonnées qui ne peuvent pas être modifiées et qui garantissent que l’actif  détenu est le NFT original, de manière infalsifiable grâce à leur enregistrement sur une blockchain. L’acheteur du NFT ne devient pas propriétaire de l’œuvre elle-même, ni de son support, mais d’un certificat d’authenticité numérique.

2.      Protection par le droit d’auteur

La Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques au sein d’un manifeste du 7 juin 2022 a considéré que la création d’un NFT et la mise en vente sur la plateforme Web3 sont des actes de reproduction et de représentation nécessitant l’accord de l’ayant-droit en ces termes : « La commercialisation d’une œuvre associée à un NFT n’échappe pas à cette règle : nul n’est autorisé à publier sur une plateforme de vente une œuvre numérique, ni à l’injecter dans un métavers, sans l’accord de l’artiste ou de ses ayants droit (héritiers, fondations…). L’usurpation de l’identité d’un artiste peut également donner lieu, sur d’autres fondements, à des sanctions lourdes.) ».

Lors de l’achat d’un NFT qui à ce jour ne peut se faire que par cryptomonnaie, l’acheteur devient propriétaire de la métadonnée et non des droits d’auteur sur la création. Un acheteur d’un NFT doit  vérifier que l’auteur de l’œuvre originale a bien autorisé la transformation de celle-ci sous forme de NFT.

Le juriste doit s’associer à l’informaticien développeur en insérant des clauses contractuelles comme  le droit de suite qui est la rémunération dont bénéficient les auteurs d’œuvres originales graphiques et plastiques lors des reventes de leurs œuvres dans le « smart code » et dans la métadonnée.

La rédaction des contrats de cession de droits d’auteur doit anticiper les utilisations futures de l’œuvre comme sa représentation dans le métavers ou la possibilité de réaliser des NFT sur la création car le code de la propriété intellectuelle en droit français n’autorise que la destination telle que prévue au sein de la cession.

Pour préserver les droits d’auteurs, les contrats entre les auteurs et les exploitants doivent être encadrés strictement par exemple la clause « pour tous produits à venir » pourrait ne pas être suffisante pour fixer la rémunération du créateur en contrepartie d’un nouveau mode d’exploitation

Il convient de prévoir les conditions d’utilisation circulant avec le NFT et dans conditions générales de vente avec renvoi vers la plateforme de vente.

3.      Protection par le droit des marques

Le métavers est une opportunité pour les entreprises qui veulent se positionner sur ce nouveau marché pour rendre leurs produits virtuels plus attractifs. Depuis 2 ans nous assistons à une recrudescence de demandes de dépôts extensifs des marques internationales.

La question qui se pose est de savoir s’il convient de redéposer une marque désignant des produits classiques dans d’autres classes désignant le produit virtuel ou pas. Une marque est-elle suffisamment protégée contre un usage dans le métavers, même si elle ne désigne que des produits « classiques » comme par exemple des lunettes déposées en classe 9, cette classe protégerait-elle des lunettes de réalité augmentée ?

Et ce alors que l’article L. 713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que : « L'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu'il a désignés »

 A ce jour il existe un flou juridique et nous nous disposons pas de jurisprudence, il conviendra d’examiner les positions à venir des différents offices de dépôts de marques.

L'enjeu est l'identification du contenu et de l'étendue du droit de propriété lors de la proposition à la vente de produits virtuels de marque pour se positionner dans ce monde virtuel et de se protéger contre les actes de contrefaçon.

Certaines entreprises comme Nike ont anticipé en redéposant leur marque aux Etats-Unis en classes 9, 35 et 41 le 27 octobre 2021. En France la société Carrefour a déposée le 5 avril 2022 en classes 9, 35, 36, 41 et 42, notamment pour des « services de vente au détail et de vente au détail en ligne concernant les biens virtuels, les objets de collection numériques et le jetons non fongibles » (classe 35) ou encore des « services de divertissement, à savoir jeux en ligne dans lesquels les joueurs peuvent gagner des biens virtuels, des objets de collection numériques, des jetons non fongibles, des jetons numériques ou autres jetons d'application » (classe 41). Cette marque est toujours en cours d’examen.

Aussi la prudence doit conduire à redéposer la marque afin d’adapter les libellés en visant les produits et services associés au métavers car l’absence de dépôt offre un moyen de défense à l’adversaire dans le cadre d’un contentieux.

Une autre problématique est la territorialité de la protection des marques car un bien virtuel ne correspond pas à un bien physique, sur quel territoire le protéger, sera-t-il possible de transposer les règles applicables à la contrefaçon de marque sur internet si un faisceau d’indices permet de démontrer que le public français est ciblé (utilisation de la langue française,  livraison en France, accessibilité du site à des internautes depuis la France …).

Là encore, il semble préférable de redéposer la marque pour tous les pays où elle sera exploitée.

4.      Les mesures de lutte contre la contrefaçon

En raison de l’absence de vérification de la paternité des œuvres sur les plateformes d’échanges comme Open Sea, un NFT peut être émis sur une œuvre protégée sans autorisation de l’auteur.

L’arsenal juridique de lutte contre la contrefaçon pour le Web3 peut reprendre des actions déjà connues pour internet comme par exemple l’action en notification pour le retrait d’un contenu illicite par la plateforme. Une action en contrefaçon pourra être engagée à l’encontre de l’émetteur toutefois il s’avérera parfois difficile de l’identifier et la plupart du temps les acteurs du monde virtuel se situent à l’étranger.

Aux Etats-Unis un artiste a créé des NFT représentant des sacs iconiques de la société Hermès« Birkin » protégé par le droit d’auteur et des marques  appelés « MetaBirkin » sans avoir demandé l’autorisation de la société Hermès pour la commercialisation de NFT représentant ledit sac. La société Hermès a engagé une action en contrefaçon à l’encontre de l’artiste, l’affaire est toujours en cours. Elle met notamment en opposition la liberté de création et d’expression  par le métavers et les droits de propriété intellectuelle et l’atteinte à la réputation d’une entreprise et la tromperie sur l’origine du produit.

En conclusion, outre le référentiel juridique existant et/ou à venir, la régulation passe par des outils technologiques innovants, voire des guides de bons usages.

Les entreprises devront plus que jamais associer les juristes à leur projet de marketing digital.

Rédigé par Me Nathalie Bastid, avocat au Barreau de Grenoble, CDMF Avocats Conseil.